Frequently Asked Questions

Question sur l’affaire

Aujourd’hui, les changements climatiques menacent déjà les droits humains de millions de personnes dans le monde. L’élévation du niveau de la mer dans le monde entier est une répercussion directe des changements climatiques. Sur l’île de Pari, elle a déjà endommagé les maisons, les rues et les commerces. Les habitant·e·s doivent donc prendre des mesures pour protéger leur habitat. Or, ils assument eux-mêmes les coûts pour ce faire, alors qu’ils ont à peine contribué aux changements climatiques. D’ici 2050, une grande partie de l’île de Pari devrait être sous l’eau en raison du réchauffement climatique, et les moyens de subsistance de ses 1500 habitant·e·s devraient disparaître. Cette situation est injuste. 

Le groupe suisse Holcim est le leader mondial dans l’industrie du ciment. Il fait partie des 50 entreprises qui émettent le plus de CO2. Avec ses émissions excessives de dioxyde de carbone ces dernières décennies, le groupe a largement contribué aux changements climatiques. Au nom de la population de l’île, Asmania, Arif, Edi et Bobby ont donc décidé d’entreprendre des démarches juridiques à l’encontre de Holcim. 

Ils demandent à Holcim : 

  1. une réparation proportionnelle de leurs dommages causés sur l’île de Pari qui sont liés aux changements climatiques ; 
  2. une réduction de ses émissions de CO2 de 43 % d’ici 2030 et de 69 % d’ici 2040, par rapport aux niveaux de 2019 ; 
  3. une contribution aux mesures d’adaptation nécessaires sur l’île de Pari. 

Les chiffres ci-dessus concordent avec l’objectif fixé par l’accord de Paris sur le climat de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C. 

Asmania, Arif, Edi et Bobby sont des habitant·e·s de l’île de Pari, en Indonésie. Tou·te·s les quatre ont subi des dommages et des pertes dans leur activité à cause des inondations répétées sur l’île. En juillet 2022, ils ont déposé une requête de conciliation à Zoug (Suisse), où se trouve le siège de Holcim. Ils sont soutenus par l’Entraide Protestante Suisse (EPER), par Walhi, le plus grand réseau pour l’environnement d’Indonésie, et par le European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR), sis à Berlin. 

Holcim est le leader mondial du ciment, un constituant de base du béton. Le groupe suisse fait partie des 50 entreprises qui émettent le plus de CO2 au monde. En effet, la production de ciment en génère d’énormes quantités. Selon une étude, Holcim a ainsi émis plus de sept milliards de tonnes de CO2 entre 1950 et 2021. Cela représente 0,42 % de l’ensemble des émissions industrielles mondiales de CO2 depuis 1750, soit plus du double de ce que l’ensemble de la Suisse a émis sur la même période. Le groupe est donc en grande partie coresponsable de la crise climatique et est la plus grande « multinationale polluante » en Suisse.

Plus d’informations sur la critique de l’EPER vis-à-vis du comportement de Holcim à l’égard du climat.

Grâce à leur plainte, les quatre Indonésien·ne·s rendent le public attentif au fait que les pertes et les dommages liés aux changements climatiques sont un problème réel et vital. Les répercussions du réchauffement climatique entraînent des violations des droits humains. Les perspectives d’avenir sont inquiétantes. Les quatre plaignant·e·s savent que les principaux responsables de la crise climatique vivent surtout dans les pays du Nord et que les « carbon majors » comme Holcim portent une responsabilité historique importante dans les dommages qu’ils ont subis et dans leurs inquiétudes pour l’avenir. Pour éviter les conséquences les plus graves de la crise climatique, une réduction rapide des émissions de CO2 est indispensable. Par cette plainte, les quatre Indonésien·ne·s s’engagent donc pour toutes les personnes qui ont déjà subi des dommages et des pertes en raison des changements climatiques. 

Questions juridiques

Asmania, Arif, Bobby et Edi ont soumis une requête de conciliation à Zoug, où se trouve le siège du groupe Holcim, en juillet 2022. Il s’agit de la première étape nécessaire pour lancer une procédure civile (cf. art. 197 ss de la Procédure civile suisse). Par cette étape procédurale obligatoire, la justice tente d’éviter les procès inutiles. La ou le juge de paix cherche à trouver, avec les parties impliquées, une solution à l’amiable. En cas d’échec, les plaignant·e·s disposent de trois mois pour déposer plainte auprès d’un tribunal civil. Malheureusement, lors de l’audience de conciliation qui s’est tenue en octobre 2022, Holcim n’a manifesté aucune intention de reconnaître sa part de responsabilité dans les changements climatiques. Les négociations se sont donc soldées par un échec. Le 30 janvier 2023, Arif, Asmania, Bobby et Edi ont donc déposé une plainte contre Holcim devant le Tribunal cantonal de Zoug. 

 La plainte a été déposée à Zoug, où se trouve le siège de Holcim SA. Des traités internationaux, que la Suisse a ratifiés, fixent le lieu où doit être déposée une plainte si la partie requérante et la partie défenderesse ne sont pas du même pays. Dans le cas d’une action en dommages et intérêts, la procédure doit être engagée dans le pays où la partie défenderesse est domiciliée ou dans celui où a eu lieu l’infraction. Cela découle de la Convention de Lugano (articles 2 et 5) et de la Loi fédérale sur le droit international privé (article 33 al. 2 et article 129 ss). 

La plaignante et les trois plaignants demandent à Holcim des réparations individuelles, une indemnisation pour la souffrance psychique endurée et une contribution aux mesures d’adaptation nécessaires sur l’île de Pari (la plantation de mangroves et la construction de brise-lames, les « bronjongs », pour protéger l’île). Le montant de leurs revendications s’élève à l’équivalent de CHF 3600 environ par personne.  

Il est important de souligner que les plaignant·e·s ne demandent que 0,42 % des coûts réels pour les dommages subis et les mesures d’adaptation nécessaires, car, selon une étude du Climate Accountability Institute1, Holcim serait responsable de 0,42 % de l’ensemble des émissions industrielles mondiales de CO2 depuis 1750.  

Autre point essentiel, les plaignant·e·s demandent à Holcim de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 43 % d’ici 2030 et de 69 % d’ici 2040. C’est là le seul moyen de prévenir des dommages bien plus graves pour les habitant·e·s de Pulau Pari, mais aussi pour les millions d’autres personnes qui vivent sur des îles ou dans des régions côtières de faible altitude.  

Les plaignant·e·s affirment que leur île est de plus en plus souvent confrontée à des inondations de plus en plus dévastatrices. Ces inondations sont une des conséquences de l’élévation du niveau de la mer provoquée par les changements climatiques.  

Les requérant·e·s invoquent une violation de leurs droits de la personnalité. Ils s’appuient sur l’article 28 ss du Code civil suisse. Ils font valoir, entre autres, que l’élévation du niveau de la mer et les inondations de plus en plus fréquentes et dévastatrices à Pulau Pari affectent directement leurs moyens de subsistance, leur droit à la terre, leur droit à l’intégrité physique et leurs perspectives économiques. Ils affirment également que si les émissions ne baissent pas, les dommages risquent d’être encore plus graves. Les demandes de dommages-intérêts et de réparation du tort moral s’appuient sur les dispositions du code des obligations. Dès lors, ce sont les procédures de recours classique du droit suisse qui s’appliquent. 

L’action est fondée sur diverses preuves et études scientifiques relatives aux causes et aux conséquences des changements climatiques ainsi qu’à la responsabilité de certains actrices et acteurs dans le réchauffement climatique. Ces documents comprennent, entre autres, les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’ONU (GIEC) (notamment son sixième rapport d’évaluation) et une étude du Climate Accountability Institute3 portant sur la responsabilité historique de Holcim dans le réchauffement climatique. D’après cette étude, Holcim fait partie des 50 entreprises qui ont le plus contribué, à l’échelle mondiale, aux changements climatiques. 

Les actions collectives n’existent pas en Suisse. Chaque personne lésée dans ses droits doit entreprendre sa propre procédure civile. Étant donné que les quatre plaignant·e·s ont été lésés par les mêmes événements et par le même auteur du dommage (Holcim), ils ont déposé ensemble leurs requêtes.  

La plainte ayant été déposée, Holcim doit désormais lire la demande et y répondre par écrit. Il faudra sans doute attendre quelques mois avant l’audience devant le tribunal.  

Questions sur l’engagement de l’EPER

L’objectif premier est un changement systémique aux niveaux social, économique et politique. Nous contribuons à l’amélioration des conditions de vie des personnes en Suisse et à l’étranger et revendiquons leurs droits. À cette fin, nous sensibilisons et mobilisons la société, les sphères politique et économique ainsi que les Églises. Nous nous appuyons sur les synergies engendrées par l’association entre programmes et travail politique, entre activités en Suisse et à l’étranger, dans le cadre de référence de l’Agenda 2030. La collaboration avec des communautés locales en Indonésie, dans le cadre de la plainte climatique, est un bon exemple du travail complet et multidimensionnel de l’EPER. 

Sur la base de sa stratégie, l’EPER s’engage depuis longtemps pour la justice climatique : tout être humain a le droit de vivre dans un environnement propre et sain. La justice climatique repose sur le principe des « responsabilités communes mais différenciées » de l’ONU et donc sur le principe du pollueur-payeur. Les actrices et les acteurs qui émettent le plus de gaz à effet de serre, nuisent à la biodiversité ou exploitent de manière excessive les ressources naturelles sont les principaux responsables de la crise climatique. Or, ce sont avant tout celles et ceux qui ont peu contribué à cette crise qui en subissent les conséquences. La justice climatique exige une répartition équitable des charges entre les États, les entreprises, les individus et les différentes générations. Ainsi, les actrices et les acteurs qui contribuent le plus au réchauffement climatique, notamment les entreprises et les États fortement émetteurs, portent une grande responsabilité dans la réduction rapide et drastique des émissions. Ils doivent également agir contre les répercussions des changements climatiques telles que les pertes et les dommages matériels et immatériels ou les violations des droits humains liés aux changements climatiques. 

En Suisse, l’EPER sensibilise la population aux interdépendances mondiales entre causes et répercussions de la crise climatique. Elle demande que les principaux responsables des changements climatiques dont le siège se trouve en Suisse participent à la lutte contre la crise climatique. 

C’est pourquoi, sur la base de sa position en matière de justice climatique, l’EPER soutient les démarches juridiques des quatre Indonésien·ne·s. L’organisation collabore avec son partenaire de longue date en Indonésie, Walhi, et un réseau renommé de juristes, le ECCHR. L’EPER elle-même n’entreprend pas de démarches juridiques. Elle accompagne Asmania, Arif, Bobby et Edi et coordonne la campagne de soutien aux quatre Indonésien·ne·s (voir callforclimatejustice.org/fr). 

Non. L’EPER ne dépose pas de plainte et n’est pas une partie à la procédure. Toutefois, elle continue de soutenir les plaignant·e·s grâce à sa campagne de soutien et de sensibilisation. Les quatre plaignant·e·s sont représentés devant le tribunal par une avocate suisse.  

La campagne menée par l’EPER, Walhi et l’ECCHR entend contribuer à ce que la population suisse prenne conscience des injustices existantes et les examine de manière critique. De par leurs activités internationales, la Suisse et les entreprises suisses contribuent fortement aux changements climatiques. Or, jusqu’à présent, elles n’assument pas leurs responsabilités en la matière. Ce sont surtout les populations des pays du Sud qui subissent les répercussions de la crise climatique. Elles doivent pouvoir exiger des réparations pour les pertes et les dommages occasionnés. L’EPER souhaite leur apporter son soutien. 

L’EPER soutient depuis de nombreuses années les personnes touchées par les changements climatiques en Indonésie avec son organisation partenaire Walhi, par le biais de mesures d’adaptation aux changements climatiques. Toutefois, ces dernières années, il est devenu de plus en plus évident que pour améliorer durablement la situation, il fallait identifier et traiter les causes de leurs problèmes. Les démarches juridiques sont un moyen de soutenir, indirectement et à long terme, les communautés concernées. Améliorer les conditions facilitera l’indemnisation des dommages et des pertes, la défense des droits humains et l’obligation de réduction des émissions. Ainsi, cela permettra d’atténuer les répercussions directes du réchauffement climatique. 

Nous sommes toujours en contact avec les entreprises que nous critiquons publiquement. Pour nous, c’est une question de qualité et de décence. L’EPER a analysé la stratégie climatique de Holcim et s’est entretenue à maintes reprises avec le groupe à ce propos, tant à l’écrit qu’à l’oral. Afin de préserver à long terme les moyens de subsistance des personnes vivant au Sud, l’EPER requiert notamment que Holcim réduise ses émissions néfastes pour l’environnement. Jusqu’à présent, les réponses de l’entreprise à ces revendications se sont avérées insuffisantes. L’EPER soutient donc les démarches légales des plaignant·e·s indonésiens et accompagne leur procédure juridique à l’aide d’une campagne d’information et de sensibilisation. 

Comme le GIEC l’explique dans son sixième rapport d’évaluation, les émissions mondiales de CO2 doivent baisser de toute urgence si nous voulons limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C. En raison de la gravité des répercussions négatives du réchauffement climatique mondial et de leur irréversibilité, ainsi que de la responsabilité historique et des capacités économiques de Holcim, l’EPER demande à Holcim de se fixer au moins les objectifs de réduction d’émissions suivants, afin de jouer son rôle dans la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C :  

  • une réduction des émissions absolues et relatives d’au moins 43 % d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 2019 ; 
  • une réduction des émissions absolues et relatives d’au moins 69 % d’ici 2040, par rapport aux niveaux de 2019 ; 

L’EPER a déjà confronté Holcim à ces revendications en juin 2022. Comme le groupe ne s’est pas déclaré prêt à suivre la trajectoire de réduction d’émissions moyenne nécessaire pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C, l’EPER soutient la plainte civile déposée par les quatre Indonésien·ne·s. Jusqu’à maintenant, les mesures et les objectifs fixés par Holcim de son plein gré se sont avérés insuffisants face à l’urgence de la crise climatique.

Plus d’informations sur le comportement de Holcim à l’égard du climat. 

La campagne callforclimatejustice.org de l’EPER, de Walhi et de l’ECCHR entend contribuer à ce que la population suisse prenne conscience des injustices engendrées par les changements climatiques et les examine de manière critique. De par leurs activités internationales, la Suisse et les entreprises suisses comme Holcim contribuent aux changements climatiques. Or, jusqu’à présent, elles n’assument pas leurs responsabilités en la matière. Les répercussions des changements climatiques touchent tout particulièrement les personnes démunies dans les pays du Sud. Jusqu’à présent, ces dernières n’avaient pas les moyens d’exiger des réparations pour les pertes et les dommages occasionnés. L’EPER souhaite leur apporter son soutien. 

L’organisation défend l’idée que chacune et chacun doit agir, en fonction de ses responsabilités et de ses moyens, pour lutter contre la crise climatique. Holcim a fortement contribué à cette dernière et a la capacité financière d’adapter ses activités en conséquence. Nous sommes convaincus qu’il est dans l’intérêt des employé·e·s de Holcim et dans celui de nos donatrices et de nos donateurs que le groupe mette tout en œuvre pour réduire ses émissions de CO2 et réparer une partie des dégâts occasionnés. 

Selon les statuts de la fondation, l’EPER a pour mission de s’engager dans le domaine de la politique de développement. Cet engagement est donc au cœur du travail de l’EPER. L’EPER œuvre depuis de nombreuses années pour la justice climatique, ce qu’elle a communiqué à travers différentes campagnes ainsi que dans le magazine destiné à ses donatrices et à ses donateurs. Nous partons donc du principe que ces derniers connaissent notre engagement en faveur de la justice climatique. Les coûts matériels et salariaux pour les collaboratrices et les collaborateurs impliqués dans la campagne sont financés par des dons affectés à des programmes ainsi que par des fonds libres.  

Si les plaignant·e·s ne bénéficient pas d’une assistance judiciaire gratuite, l’EPER cherchera explicitement un soutien financier pour ces derniers, que ce soit auprès de donatrices et de donateurs privés ou institutionnels. L’objectif est d’utiliser, dans la mesure du possible, des dons à affectation spéciale. 

Questions sur l’attitude de Holcim envers le climat

L’EPER a étudié de près le comportement de Holcim à l’égard du climat et a publié un rapport détaillé à ce sujet le 1er février 2023. Ce document analyse les répercussions actuelles et passées des activités de Holcim sur le climat ainsi que les plans du groupe pour baisser ses émissions futures de CO2. Il montre aussi qu’en raison de ses émissions de CO2 considérables depuis sa fondation, Holcim a largement contribué à la crise climatique. En 2021, l’entreprise a ainsi généré trois fois plus d’émissions que l’ensemble de la Suisse. Ces dernières années, ses émissions ont même augmenté. Selon les dernières données en matière de science du climat, il existe 50 % de chances de respecter le seuil de 1,5 °C ou de le dépasser seulement de peu si les émissions absolues baissent de 43 % d’ici 2030, de 69 % d’ici 2040 et de 84 % d’ici 2050, par rapport à 2019. Or, Holcim s’est principalement fixé des objectifs de réduction relative de ses émissions. L’entreprise vise ainsi une baisse des émissions par tonne de ciment, sans se fixer des objectifs de réduction de l’ensemble de ses émissions (absolues) d’ici 2030, 2040 et 2050. Le rapport conclut que les objectifs de Holcim ne sont pas compatibles avec une limitation du réchauffement climatique mondial à 1,5 °C. Bien que Holcim prétende poursuivre des objectifs de réduction d’émissions fondés scientifiquement, le groupe ne tient pas compte de la trajectoire de réduction d’émissions du GIEC. Holcim a agi trop tard et ne fait que trop peu (voir également résumé de l’analyse sur le comportement de Holcim à l’égard du climat).