Communiqué de presse, 3 septembre 2025

Plainte climatique à l’encontre de Holcim : la décision approche

Les plaignant·e·s indonésiens demandent la protection de leurs droits

Les débats principaux dans le cadre de la plainte climatique déposée par quatre pêcheuses et pêcheurs indonésiens contre le groupe cimentier suisse Holcim se sont terminés aujourd’hui, mercredi 3 septembre 2025, devant le Tribunal cantonal de Zoug, sans qu’une décision ne soit rendue. La question de savoir si les plaignant·e·s obtiendront la protection juridique demandée, et donc l’accès à la justice climatique, reste ouverte pour l’instant. Ils exigent de Holcim une indemnisation pour les dommages déjà causés sur l’île, une participation au financement de mesures de protection contre les inondations et une réduction rapide de ses émissions de CO2. La date à laquelle le tribunal rendra sa décision n’est pas encore connue.

Depuis quelque temps, les inondations sont de plus en plus violentes sur l’île de Pari – la patrie d’Arif Pujianto. L’eau cause régulièrement des dégâts dans sa maison. Pour ce mécanicien de 54 ans, l’origine du phénomène ne fait aucun doute : « Les changements climatiques entraînent une élévation du niveau de la mer. De ce fait, notre île de faible altitude est de plus en plus souvent inondée lors de tempêtes. » L’existence d’Arif Pujianto est ainsi menacée, alors qu’il n’a pas du tout contribué au réchauffement climatique. Face à cette injustice, Arif Pujianto, Ibu Asmania, Pak Bobby et Edi Mulyono ont décidé de se défendre. Fin janvier 2023, ils ont déposé une plainte auprès du Tribunal cantonal de Zoug contre le cimentier suisse Holcim. Car en raison de ses émissions massives de CO2, le groupe a largement contribué aux changements climatiques.

Aujourd’hui, mercredi 3 septembre 2025, le Tribunal cantonal de Zoug a examiné s’il allait entrer en matière sur les revendications des quatre plaignant·e·s. La date à laquelle le tribunal communiquera sa décision n’a pas été précisée à l’issue de l’audience. Ibu Asmania, Arif Pujianto, Pak Bobby et Edi Mulyono espèrent avoir accès à une protection juridique pour leurs revendications en Suisse. « Nous sommes optimistes, a déclaré Ibu Asmania, après tout, il s’agit de notre survie ». Le procès a été précédé d’une audience à Zoug, au cours de laquelle les personnes présentes dans la salle ont pu elles aussi percevoir les effets de la crise climatique dans la patrie des plaignant·e·s.

 

Une première dans une salle d’audience suisse

La prise de parole d’Ibu Asmania était un moment marquant de l’audience. Bien qu’une grande partie des débats se soit déroulée entre les avocat·e·s, les juges et le public ont pu entendre, pour la première fois, le témoignage direct d’une personne du Sud menacée par les changements climatiques, qui partageait sa réalité de vie et ses revendications. « Je ressens tous les jours les effets des changements climatiques. Si notre île disparaît, où irons-nous ? », a demandé Ibu Asmania, avant de poursuivre : « Mais nous gardons l’espoir d’un avenir sur notre île. Pour nous, chaque tonne de CO2 compte. Chaque dollar compte pour les mesures d’adaptation et la réparation des dommages. Il en va de notre avenir. »

L’audience présentait également un caractère inédit dans une salle de tribunal suisse : c’était la première fois que des personnes vivant dans un pays du Sud, qui subissent directement les conséquences des changements climatiques, se retrouvaient face à des représentant·e·s d’une multinationale qui est largement responsable de leur situation. « Nous avons l’impression que notre situation et nos arguments ont été pris au sérieux, a déclaré Arif Pujianto après l’audience. C’est important pour nous. » Désormais, il s’agit de permettre aux plaignant·e·s d’accéder à une protection juridique et d’examiner sur le fond leurs revendications concernant la responsabilité de Holcim. Les plaignant·e·s et leur avocate ont pu démontrer de manière convaincante que les conditions juridiques étaient remplies. Les changements climatiques et leurs répercussions ne doivent pas constituer une zone de non-droit dans le droit civil suisse.

Confirmation de l’évolution juridique

L’entrée en matière sur les revendications des plaignant·e·s s’inscrirait dans une série de décisions et d’avis consultatifs de la Cour internationale de Justice (CIJ), de la Cour européenne des droits de l’homme et de nombreuses juridictions nationales, qui ont déjà défini des obligations juridiques pour les États et les entreprises en ce qui concerne les changements climatiques et leurs conséquences. L’évolution est claire : celles et ceux qui émettent de grandes quantités de gaz à effet de serre sont de plus en plus tenus pour responsables. Au printemps 2025, un tribunal allemand a ainsi décidé que les multinationales polluantes – comme Holcim – pouvaient en principe être tenues pour responsables des coûts des changements climatiques. Fin juillet, la CIJ de La Haye a déclaré, à la suite d’une plainte de l’État insulaire du Vanuatu, que la protection contre les changements climatiques était une obligation du droit international.

Dans les jours précédant les débats principaux, Ibu Asmania et Arif Pujianto ont rencontré de nombreux soutiens en Suisse. Des rencontres avec des politicien·ne·s et des représentant·e·s de l’ONU sont prévues ces prochains jours. « On nous témoigne beaucoup de solidarité et de soutien, et nous en sommes très reconnaissants, a déclaré Ibu Asmania. Cela nous donne la force de continuer à nous battre pour nos droits et pour l’accès à la justice climatique. » L’Entraide Protestante Suisse (EPER), ECCHR et WALHI aussi continueront à s’engager en faveur de la revendication centrale suivante en matière de justice climatique : les responsables de la crise climatique doivent en assumer les coûts.

Contact :

Informations et supports complémentaires :